Programme master 2017

RÉCITAL D’ALTO DE FIN MAÎTRISE CLASSE DE JUTTA PUCHHAMMER

Accompagnement piano : Ashken Minasyan , Oscar Silva

Programme (75′) :

  • Concerto pour alto et orchestre d’ Airat Itchmouratov, Mouvements 1,2 et 3.                                  ( 40’)

  • A string around automn de Toru Takemitsu, arrangé pour piano et alto par Toshio Hosokawa.            ( 18’)

  • Kamalto, pièce pour alto solo par Showan Tavakol.                                                                             ( 17′)

Puis l’Ensemble Kamaan nous présentera un extrait du spectacle Des chemins qui mènent partout avec

 au Kamanché : Showan Tavakol ,

 au Rhabab et Voix : Behnaz Sohrabi,

 au Santur : Amir Amiri

 et à l’alto : Olivier Marin

 

Rencontre avec la musique Perse.
Mon insertion dans l’ensemble Kamaan m’a permis de comprendre que la diversité de la musique iranienne est à l’image des groupes de langues et de leurs systèmes propres : perse, azéri, kurde, baluchi, khorasani et turkaman. Chaque musique, selon sa provenance, a son système modal propre basé sur l’oralité. D’un autre coté, la musique « Dastgahi » dite musique classique persane comporte un répertoire écrit. L’objectif de l’ensemble Kamaan est de tisser des liens entre la musique Dastgahi et la musique des différentes régions dans une perspective contemporaine et va jusqu’à s’accorder avec d’autres styles de musiques, cette fois occidentaux: le baroque et le médiéval. Cette musique monodique est construite à partir d’un motif ou thème propre à un mode. Pour un mélomane expérimenté, seules quelques notes combinées d’une certaine manières suffisent à reconnaître le mode utilisé. Il n’y a pas de hauteur fixe, toute échelle peut être transposée, seul l’agencement du mode et des « Coron » 1/4 de tons très précis changent selon le mode.
Dans un premier temps, mon travail a été de m’approprier ces mélodies et ces thèmes que j’ai repiqué et noté en clef d’UT. J’ai rencontré des difficultés de notation à cause de l’accord de l’instrument qui peut être en 4te-5tte-5tte ou en 5tte-4te-5tte selon les modes, ce qui pose problème pour notre système de notation occidentale. Par exemple dans un accord do# sol# do# sol# ( 5tte-4te-5tte ) le 3eme doigt (do#) en première position sur la corde sol# va être = à la corde à vide do#. Cela pose problème car d’habitude c’est le 4eme doigt qui est = la corde à vide. Cela donne donc deux possibilités de hauteur visuelle pour la même note entendu.

Cette passion pour les cultures du Moyen-Orient, m’a fait explorer des ouvrages fondamentaux comme le Radif ( recueils de thèmes de la musique classique Dastaghi) et des recueils de poésie persane de Rumi, Hafez, Saadi dans le genre du “Ghazal” ( poèmes d’amour ) , poésie romantique développée au XIIIième et XIVième siècles. La poésie perse est le fondement de la musique perse : le rythme des vers est primordial. C’est pourquoi j’ai choisi d’intégrer un extrait en langue persane pour faire apparaître les liens avec la composition de Showan Tavakol “Kamalto” en Nava puis Charga.

 

Concerto pour alto d’Airat Itchmouratov.
L’été dernier j’ai participé à un concours de cordes en France , dans lequel je devais présenter un concerto en entier de 40′. Or dans notre répertoire d’alto, rares sont les concertos qui correspondent à cette durée. Avec l’aide de Jutta Puchhammer, je me suis donc mis à la recherche d’une telle oeuvre. J’ai alors découvert ce concerto que j’ai immédiatement apprécié. Son langage à la fois romantique et moderne d’inspiration russe intègre des éléments très folkloriques qui m’ont tout de suite attirés. En outre, le fait qu’ Airat Itchmouratov soit un compositeur vivant m’a fortement incité à le choisir, car pour moi c’est un plaisir et une véritable envie de pouvoir discuter et partager la musique avec leurs créateurs. Cette pièce me rappel des ouvrages de mythologie et de grandes épopées , particulièrement l’histoire de Tristan et Iseult qui m’a beaucoup inspirée. D’un point de vu instrumental c’est un défi sur le plan de l’endurance et de la puissance sonore de l’instrument. Dans une telle pièce le cheminement musical se développe sur un très long terme, ce qui nécessite de l’imagination et un renouvellement tout au long de la pièce.

 

A string around automn.
En 2016, l’exposition Hokusai au Grand Palais à Paris m’a marqué : la précision et le geste artistique qui animent les estampes japonaises m’intriguent depuis longtemps. D’ailleurs le grand maître du manga des studio Ghibli, Hayao Miazaki, a réussi à combiner ces oeuvres statiques et suggestives pour créer des chefs d’oeuvre d’animés comme Le château Ambulant ou Le voyage de Shihiro. De plus, le rapport au geste dans la culture japonaise m’a toujours fasciné : très jeune j’ai été initié aux arts martiaux et à leur philosophie. Je vois toujours dans les mouvements de Karaté une forme d’expression artistique, comme pour nos instruments où le
geste est travaillé, précis et d’une grande intensité. J’ai donc créé une composition EMPI inspirée d’un « Kata » , terme japonais qui désigne un enchaînement dans les arts martiaux. Il s’agit de mouvements codifiés à partir de l’expérience de combattants. Même si l’objectif du geste reste martial, une certaine énergie musicale, concentrée et précise, découle des mouvements et les sublime. Cela m’a donné l’occasion de travailler sur une composition en plusieurs étapes avec beaucoup d’éléments graphiques qui sont devenus des notes. J’ai d’ailleurs l’intention de créer un spectacle un jour autour de la culture japonaise. J’ai eu l’occasion de rencontrer Jean Dutrieu qui a composé des pièces pour altos solo inspirées de Haikus japonais, dont le travail m’a marqué. Un travail autour de cette culture pourrait compléter mes précédentes recherches et aboutir à un spectacle avec une thématique forte réunissant le domaine pictural, littéraire et martial du Japon.

D’un point de vue altistique, la pièce de Toru Takemitsu est très enrichissante pour ce qui est des techniques et du contrôle sonore des harmoniques. De plus le temps musical de cette pièce, proche de celui des estampes, est très particulier et nécessite une mise en condition mentale pour s’introduire dans ce nouveau temps en suspension. L’archet doit devenir une sorte de pinceau parcourant une toile impressionniste. Cette pièce donne libre cours à l’imagination des timbres, des couleurs, des paysages sonores dans une sublime apesanteur.

 

Les Projets :
Vous l’aurez compris, mon programme invite aux voyages : voyages dans des cultures très diverses et caractérisées pour explorer les mécanismes qui sous-tendent leurs musiques traditionnelles ainsi que leurs impacts sur la musique occidentale. J’utilise souvent d’autres médiums artistiques comme la litérature ou l’art pictural pour donner une assise à mes projets. Ici, le programme de fin de maîtrise nécessite une variété et des exigences techniques diverses, ce qui m’oriente vers un éventail musical précis. Pour autant, dans un contexte non scolaire, ces pièces trouveraient leur place dans un spectacle sous forme de conte lyrique. J’ai déjà eu l’occasion d’en concevoir un inspiré de La Divine Comédie de Dante Alighieri. Je donne cet été plusieurs concerts en sonate pour lesquels j’intégrerai la sonate de Takémitsu et Kamalto. De plus mon activité avec l’Ensemble Kamaan me place face à un carrefour de créativité entre la musique classique traditionnelle perse, la musique classique traditionnelle occidentale et l’approche créatrice contemporaine. C’est d’ailleurs ce que nous essayons de faire avec notre spectacle “Des chemins qui mènent partout”.